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Changement des contrôles aux frontières européennes, qu’est-ce que l’EES ?

Écrit par : Jean-Joseph Rivouchy 
Date : 01/02/2024

Vous prenez régulièrement l’Eurostar depuis Londres pour rejoindre votre petite amie à Paris, vous vous rendez tous les ans à Bologne pour présenter vos nouveautés au salon du livre jeunesse, vous ne manquez jamais l’Oktoberfest à Munich, vous rendez visite à vos parents à Stockholm trois fois par an, bref, vous êtes un habitué du passage des frontières de l’espace Schengen ! Une nouvelle procédure de contrôle va être mise en place dans les mois qui viennent, on vous explique tout sur ce qui va changer !

Qu’est-ce que l’EES ? Quand entrera-t-il en application ?

L’EES (Entry/Exit System en anglais) est un système informatique européen qui sera prochainement mis en place aux frontières de l’espace Schengen. Il est destiné à enregistrer de manière automatique les entrées et sorties des voyageurs dans l’espace européen et à disposer d’informations centralisées, précises, fiables et sûres sur les passages aux frontières et le séjour des ressortissants de pays tiers dans les pays utilisant le système. 

Il s’appuie sur deux piliers : l’automatisation (partielle, il demeurera toujours un contrôle humain) du franchissement des frontières et la constitution d’une base de données répertoriant à la fois des informations sur les voyageurs ainsi que sur leurs mouvements vers et depuis les pays utilisant l’EES. 

Il concerne exclusivement les ressortissants des pays tiers voyageant pour un court séjour

L’entrée en fonction du système EES est prévue entre la fin 2024 et le début 2025.

Qui est concerné ? Qui ne l’est pas ?

L’EES s’applique aux ressortissants de pays tiers voyageant pour un court séjour dans un pays européen utilisant l’EES. 
Soit pour ceux qui possèdent un visa court séjour, soit pour ceux qui n’en ont pas besoin, dans les deux cas pour un séjour de moins de 90 jours sur une période de 180 jours. 

L’EES ne s’applique pas aux ressortissants : 

  • des pays européens utilisant l’EES, ainsi qu’à ceux de la Croatie, de Chypre et de l’Irlande. 
  • de pays tiers qui sont titulaires d’une carte de séjour et membres de la famille (conjoint, enfant) d’un ressortissant de l’UE. 
  • de pays tiers qui sont titulaires d’une carte de séjour ou d’un titre de séjour et membres de la famille d’un ressortissant de pays tiers qui peut voyager dans toute l’Europe comme un citoyen de l’UE, soit parce qu’il possède une carte de résidant soit du fait d’accords entre son pays et le pays européen dans lequel il réside. 
  • de pays tiers se rendant en Europe à des fins de recherche, d’études, de formation courte ou de stage, de volontariat, de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs, culturels et au pair. 
  • de pays tiers titulaires d’un titre de séjour ou d’un visa long séjour. 
  • d’Andorre, de Monaco et de Saint-Marin, ainsi qu’aux titulaires d’un passeport délivré par l’État de la Cité du Vatican ou le Saint-Siège. 
  • de pays tiers exemptés des contrôles aux frontières ou qui bénéficient de certains privilèges en ce qui concerne les contrôles aux frontières (tels les travailleurs frontaliers, par exemple). 
  • de pays tiers membres d’équipage des trains de voyageurs et de marchandises en correspondance internationale. 

Les situations étant multiples et parfois très spécifiques, il est conseillé de se renseigner auprès des services consulaires de votre pays d’entrée et/ou de destination principale s’il utilise l’EES.

Quels pays utilisent l’EES ?

Les pays qui utilisent l’EES sont : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède et la Suisse.

Attention aux règles spécifiques si vous voyagez en Bulgarie ou en Roumanie !

La Bulgarie et la Roumanie ne délivrent pas encore de visas Schengen, mais les deux pays utilisent l’EES. Par conséquent, lorsque vous prévoyez de voyager en Bulgarie et en Roumanie, il y a des règles spécifiques que vous devez prendre en compte. 

  • Si vous n’avez pas besoin d’un visa pour voyager en Bulgarie ou en Roumanie, la durée de votre séjour dans ces deux pays sera prise en compte lors du calcul de la limite globale autorisée pour un court séjour, soit 90 jours sur une période de 180 jours. 
  • Si vous avez besoin d’un visa pour voyager en Bulgarie ou en Roumanie deux situations sont possibles :
    • Vous possédez un visa Schengen court séjour et envisagez de voyager dans ces deux pays. Dans ce cas, la durée de votre de votre séjour ne sera pas décomptée du nombre de jours où vous êtes autorisé par le visa Schengen à séjourner dans l’espace Schengen. Attention toutefois ! Le temps passé en Bulgarie et en Roumanie sera pris en compte lors du contrôle du respect de la limite globale de 90 jours sur une période de 180 jours. 
    • Vous possédez un visa national de court séjour délivré par la Bulgarie ou la Roumanie. Ce visa sera valable pour entrer dans ces deux pays, mais pas dans l’espace Schengen. La durée de votre séjour autorisée par ce visa comptera sur le territoire de ces pays. Le temps passé en Bulgarie et en Roumanie comptera lors du contrôle du respect de la limite globale de 90 jours sur une période de 180 jours si vous envisagez de voyager dans un pays de l’espace Schengen utilisant l’EES en étant titulaire d’un visa Schengen court séjour. 

À retenir : la limite globale de 90 jours sur une période de 180 jours doit toujours être respectée.

Comment se déroule le contrôle aux frontières utilisant l’EES ?

L’EES est basé sur deux éléments-clés

  • d’une part un système qui automatise des tâches, jusqu’ici assurées par les agents de contrôle aux frontières, 
  • d’autre part une base de données qui enregistre, centralise et conserve des informations relatives aux entrées, sorties et séjours de ressortissants de pays tiers dans l’espace européen. 

Ainsi, avec l’EES, le passage d’une frontière se déroulera en deux étapes : 

  1. Le ressortissant d’un pays tiers devra d’abord se présenter à une borne libre-service qui lui permettra de vérifier s’il est enregistré dans la base de données de l’EES et si ses données sont toujours valides. 
    Si aucune donnée n’est présente, il lui faudra les entrer dans le système.

    •  D’une part en scannant son passeport biométrique, transférant ainsi dans le système les informations contenues dans la puce de celui-ci (nom complet, date de naissance, numéro du passeport, photographie, etc.). 
    • D’autre part en se soumettant à un scan de ses empreintes digitales et de son visage. Le système vérifiera alors qu’ils correspondent à ceux enregistrés dans le passeport. 

    Une fois les données enregistrées dans le système, lors de chacun de ses nouveaux passages aux frontières la personne sera identifiée par une combinaison de 4 de ses empreintes digitales et de son image faciale

  2. Le ressortissant devra ensuite se diriger vers une voie de contrôle aux frontières où l’agent de contrôle des passeports aura déjà reçu : 
    • Les informations provenant du système en libre-service, incluant des vérifications faites dans d’autres bases de données, notamment celle des visas ; 
    • La confirmation de son identité ; 
    • La durée de séjour autorisée, et en particulier la durée de séjour autorisée restante s’il a déjà séjourné dans l’espace Schengen durant les 180 jours précédents. 
    • Ou au contraire, le cas échéant, l’interdiction d’entrer dans l’espace européen frappant le ressortissant. 

Ainsi l’agent de contrôle pourra se concentrer sur l’appréciation de la situation de la personne pour lui accorder ou lui refuser l’entrée. 

Le simple fait de passer le contrôle enregistrera dans le système la date, l’heure et le point de passage. Ainsi, avec la mise en place de l’EES les tampons d’entrée et de sortie apposés sur les passeports disparaissent. C’est l’enregistrement dans le système du passage du contrôle qui fera foi.

Quelles conséquences pratiques avec la mise en place de l’EES ?

La mise en place de l’EES constitue une modernisation importante d’un système ancien et dépassé, à l’heure où le nombre de ressortissants de pays tiers visitant annuellement l’espace européen ne cesse de croître.

Conséquences pour le voyageur

Il s’agira surtout d’un gain de temps lors du franchissement des frontières, face à des agents plus sereins puisqu’ils auront la certitude que l’information dont ils disposent est fiable. 

Chaque voyageur pourra à terme, interroger la base de données et savoir combien de temps il est autorisé à séjourner dans les pays de l’espace Schengen. 

Le système protègera par ailleurs les personnes contre l’usurpation de leur identité puisque le visage et les empreintes scannés lors du passage de la frontière seront comparés à ceux enregistrés dans le passeport. 

Attention ! La mise en place du système EES n’a aucune incidence sur les conditions d’obtention des visas court séjour Schengen qui restent inchangées. Elle facilitera simplement le contrôle de la validité de ces derniers et notamment de la durée autorisée de séjour sur le territoire européen.

Pour les pays adoptant le système, et plus généralement pour l’espace Schengen, les bénéfices seront nombreux et importants

L’EES va faciliter et fluidifier le franchissement des frontières en automatisant des tâches fastidieuses qui étaient auparavant assurées manuellement par les agents de contrôle, comme par exemple le calcul de la durée de séjour autorisée restante ! L’information sera disponible immédiatement, accessible de tous les points équipés, sûre, fiable et virtuellement infalsifiable. 

En outre, le système devrait permettre un meilleur contrôle de l’immigration illégale en empêchant la falsification d’identités, de documents, de visas et en disposant à tout moment de l’information concernant les personnes ayant dépassé la limite de leur séjour autorisé. 

Ensuite, la base de données de l’EES sera un précieux outil en matière de délinquance, de criminalité et de terrorisme puisqu’elle permettra de manière préventive de vérifier l’identité des personnes entrant sur le territoire européen et le cas échéant d’empêcher l’entrée de celles considérées comme indésirables ou potentiellement dangereuses. Elle pourra également être utilisée dans le cadre d’enquêtes judiciaires. 

Enfin cet outil pourra fournir aux autorités européennes et de chaque pays des statistiques puissantes leur permettant de connaître et comprendre les mouvements aux frontières et la circulation en Europe et ainsi répondre avec précision aux besoins en termes d’infrastructures, d’effectifs, etc.

Collecte, automatisation, protection des données

L’EES est un nouveau système de données européen qui s’ajoute à ceux déjà existants : le système d’information sur les visas (VIS) ; le système européen d’information et d’autorisation (ETIAS) concernant l’autorisation de voyager dans l’espace Schengen ; le système d’information Schengen (SIS) utilisé pour consulter ou créer des signalements de personnes ou d’objets recherchés ou portés disparus ; la base de données des empreintes digitales des demandeurs d’asiles enregistrés dans l’UE (EURODAC) ; le système européen d’information sur les casiers judiciaires (ECRIS), etc. 

Indépendants au départ, ces systèmes sont appelés à être de plus en plus reliés et interopérables. Ainsi, il est convenu que l’EES pourra interroger d’autres bases de données européennes, voire nationales, pour vérifier des informations sur des ressortissants de pays tiers et leur autoriser ou leur refuser l’accès à l’espace Schengen. 

L’automatisation liée à l’EES, si elle représente une avancée majeure à de nombreux égards, comporte certains risques qu’il convient de signaler et auxquels il s’agit d’être attentif. Par exemple, toute personne dont l’autorisation de séjour viendrait à échéance et qui se trouverait encore sur le territoire européen (c’est-à-dire qui n’aurait pas été enregistrée comme en étant sortie), se verrait automatiquement inscrite au fichier des personnes interdites de territoire. Il lui appartiendra alors, même si elle est de bonne foi ou est victime d’une situation de force majeure, de faire les démarches pour être retirée de ce fichier, ce qui peut s’avérer long et source de tracasseries administratives. 

Enfin il est à noter que la mise en place de ce nouveau système et de la base de données qui lui est associée est strictement encadrée et garantit le respect des règles en matière de protection des données personnelles

L'accès à l’EES est très réglementé. Chaque Etat membre doit notifier à l'Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information (EU-LISA) les autorités nationales habilitées à consulter les données aux fins de prévention, de détection ou d’enquête en rapport avec des infractions criminelles ou terroristes. 

Au niveau européen, Europol, qui joue un rôle clé dans la prévention de la criminalité, fera partie des autorités autorisées à accéder au système dans le cadre de sa mission. 

En revanche, les données de l’EES ne pourront pas être communiquées à des pays tiers ni à quelque organisation que ce soit, publique ou privée. Bien entendu, dans le cas d'enquêtes visant l'identification d'un ressortissant de pays tiers, la prévention ou la détection d'infractions terroristes, des exceptions pourront être envisagées.​ 

Vos données seront stockées dans le système pour les durées suivantes : 

  • Relevés des entrées, sorties et refus d’entrée : 3 ans, à compter de la date à laquelle ils ont été enregistrés. 
  • Fichiers individuels contenant des données à caractère personnel : 3 ans et un jour, à compter de la date de votre dernière sortie (ou de votre refus d’entrée, si vous n’avez pas été autorisé à entrer). 
  • Si aucune sortie n’a été enregistrée : 5 ans, à compter de la date d’expiration de votre séjour autorisé. 

À l’expiration de chaque période, les données seront automatiquement effacées.

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Puis-je utiliser l’EES avec n’importe quel document de voyage ?

Non. Si vous êtes un ressortissant de pays tiers pour lequel des données doivent être introduites dans l’EES, vous devez disposer d’un document de voyage (un passeport) biométrique, c’est-à-dire muni d’une puce contenant vos informations biométriques collectées auprès de vous au moment où vous avez demandé le passeport.

Que se passe-t-il si vous refusez le scan de vos empreintes digitales ou de votre visage ?

Si vous refusez le scan de vos empreintes digitales et de votre visage à l’arrivée à un point de contrôle utilisant l’EES, l’entrée sur le territoire vous sera refusée.